L'écologie réaliste
Clémenceau : C'est dur d'être vertueux aux yeux des cyniques !
L¹affaire du Clémenceau illustre une antique leçon de morale : la vertu est plus insupportable à l'opinion que le cynisme.
Il est en fait reproché au gouvernement français de s’être montré trop vertueux : dans un premier temps, notre Marine nationale a été le premier armateur européen à décider du désamiantage préalable d’un navire avant son démantèlement, alors que, ne serait - ce qu’en 2005, des dizaines de navires européens sont allés à la démolition sans dépollution préalable ; puis dans un souci économique , et devant la pénurie d’offres raisonnables dans ce secteur, l’Etat a souhaité confier ce désamiantage à une entreprise indienne offrant de vraies garanties de sécurité à ses ouvriers ( normes internationales ISO); enfin , en annonçant, de bout en bout, ses décisions et ses changements de décision, la transparence a été respectée.
Que pouvait-on réclamer de plus au nom de l’écologie ? l’excellence ?
Les écologistes, quelle que soit leur couleur, savent bien que, dans le domaine environnemental, se donner un objectif d¹excellence est le plus sûr moyen de n'arriver à rien .
Le gouvernement aurait-il mieux fait de limiter sa volonté de vertu ?
Par exemple en laissant le navire être désamianté en Turquie, au mépris de la loi européenne ? Ou bien en acceptant les tarifs faramineux d’ entreprises européennes éventuellement compétentes pour prendre le chantier ? Ou bien encore en agissant secrètement pour échapper à tout contrôle ?
Autant dire qu¹il aurait dû être foncièrement malhonnête .
Une fois encore, au détriment de notre environnement, un grave sujet d¹inquiétude touchant à sa sécurité sert de prétexte à des gesticulations politiques ou politiciennes, y compris de la part de certains écologistes.
Ces derniers qui se vantent d' avoir ouvert le dossier du désamiantage de tous les navires militaires et civils en fin de vie, auraient pu tout aussi bien, à l’instar de nombreux autres écologistes, prendre le cas du Clemenceau comme un exemple à suivre .
Par les travaux effectués qui ont diminué dans des proportions considérables ( commission en cours) son contenu d’amiante – stockée dans des conditions règlementaires- le Clémenceau constituait une avancée importante dans le traitement de la démolition des bateaux en fin de vie, représentant également à travers ce « process », moins de risques sanitaires pour les travailleurs concernés par son démantèlement.
Que peut on penser de ces considérations qui veulent occulter ces avancées et n’évoquer qu’un seul autre cas, parmi les centaines existant : le Norway , un bâtiment norvégien dont on aime à rappeler, l'ancien nom de France !
Pourquoi ces mêmes « écologistes » n’envoient - ils pas leurs plongeurs au fond du Pacifique pour y chercher les épaves amiantées des navires américains sabordés sur ordre de Washington, ou dans les mers australiennes… ?
N’agissent-ils pas les uns et les autres pour des motifs qui dépassent de beaucoup le champ de l'écologie ?
Le Président de la République a décidé de ramener le Clémenceau à Brest. Bruxelles parle de solution sage.
Désormais le gouvernement a le choix : ou bien oublier, cyniquement, le Clémenceau dans la rade de Brest comme l’avait fait à Toulon le gouvernement entre 1998 et 2001, ou bien prendre le leadership, de l’initiative de la création d’un chantier européen de désamiantage pour les navires en fin de vie.
Le Clémenceau aura livré sa dernière bataille... pour l’environnement.
Isabelle JACONO, Présidente de France Ecologie